Mardi 26 novembre 2024, à 17h20 en salle Politzer
Conférencière : Nadine Cerf-Bensussan, directrice de recherche Inserm, responsable du laboratoire Immunité intestinale à l’institut Imagine, grand prix Inserm 2023.
"Les microbes, décrits pour la première fois à la fin du 17ème siècle sous le nom «d’animalcules», ont été, sous l’impulsion des travaux de L. Pasteur et R. Koch à la fin du 19ème siècle, largement perçus comme les agents responsables de maladies infectieuses. Si certains se sont interrogés depuis plus d’un siècle sur la présence et le rôle d’autres microbes détectés dans l’environnement et le corps humain, ce sont réellement les travaux de C. Woese à partir de 1970 associés à l’avènement du séquençage à haut débit de l’ADN au début des années 2000 qui ont permis de révéler que plus de 90% de la masse vivante sur terre était représentée par des microbes. Nous savons aujourd’hui que les microbes colonisent tous les environnements possibles sur terre. Ils colonisent notamment dès la naissance les surfaces exposées des êtres humains et tout particulièrement la partie distale de l’intestin, qui abrite une communauté microbienne très dense et complexe, le microbiote intestinal, avec lequel s’établissent de nombreuses interactions réciproques. Ces interactions prennent place dans l’intestin mais aussi à distance, le microbiote produisant de multiples facteurs solubles qui passent dans le sang et peuvent influer le fonctionnement de nombreux organes. Le microbiote intestinal peut notamment stimuler le développement du système immunitaire, contribuer à notre métabolisme, influer sur notre cerveau. Fruit d’une très longue coévolution, la symbiose entre microbiote et son hôte a de nombreux effets favorables pour la santé des deux partenaires, effets notamment objectivés en comparant des animaux maintenus en conditions stériles et des animaux colonisés. Il est malheureusement devenu clair que le compromis évolutif bénéfique entre l’hôte et son microbiote a été récemment mis à mal par les changements de l’environnement associés à l’industrialisation (alimentation, médicaments, polluants). Ceux-ci en modifiant la composition du microbiote intestinal ont conduit à la sélection de bactéries capables de favoriser la survenue de maladies inflammatoires et métaboliques chroniques comme le diabète, maladies devenues « épidémiques » dans les pays industrialisés. Rétablir un microbiote intestinal aux effets bénéfiques pour son hôte est désormais un enjeu clé tant pour traiter ces maladies graves que, surtout, pour les prévenir en intervenant dès le plus jeune âge, notamment à travers l’alimentation."